Le poids du silence

Dans les affaires de pédocriminalité, les faits sont souvent occultés : pour des raisons différentes, toutes les personnes concernées maintiennent le silence.

Du côté de l’enfant ou l’adolescent

L’enfant ou l’adolescent se heurte à un véritable un mur de silence.

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  • Avec l’agresseur
    • L’enfant ou l’adolescent a peur de ne pas être cru du fait de l’autorité que l’agresseur a sur lui ou de la référence morale qu’il représente. Par ailleurs, l’agresseur peut lui imposer le secret sous la menace.
    • Quand il s’agit d’un proche incestueux, l’enfant ou l’adolescent est pris dans un conflit de loyauté. Il a peur de déchirer sa famille et d’en être tenu pour responsable.
  • Avec l’entourage 
    • Le mineur agressé émet des signaux faibles, parle mais on ne sait pas l’entendre, ou bien il n’a pas les mots pour expliquer. En l’absence de réactions, il risque de ne plus pouvoir ou vouloir s’exprimer.
    • Tant qu’il sera en contact avec l’agresseur, parler lui sera difficile.
    • Il a honte d’avoir été sali et d’avoir parfois apprécié la compagnie de l’agresseur ; d’avoir pu ressentir du plaisir ou satisfait sa curiosité.
    • Il se sent coupable de ne pas avoir pu empêcher pour lui et/ou pour d’autres les actes.
    • Il peut penser que ce qu’il subit est normal, que tous les adultes sont d’accord sur cela.

Du côté des parents 

Le silence peut parfois être choisi à tort même avec les meilleures intentions. Il est plus souvent le résultat du profond désarroi que crée ce genre de révélation.

  • Avec l’enfant 
    • Les parents ne décodent pas ou ne croient pas ce que dit leur enfant.
    • Ils ne veulent pas traumatiser davantage leur enfant et préfèrent laisser les choses “se cicatriser”.
    • Ils pensent que leur enfant va oublier et qu’il ne faut surtout plus en parler.
  • Avec l’entourage 
    • Ils ne veulent pas s’engager dans une procédure judiciaire, qu’ils ne maîtrisent pas, qui fait peur et qui risque de coûter cher.
    • Ils ont peur du « qu’en-dira-t-on » et de l’opprobre.
    • Il arrive qu’il y ait une forme de défaillance voire de complicité des adultes, y compris des parents, qui trouvent leur compte à fermer les yeux, pour sauvegarder l’image d’un couple, pour respecter une autorité supérieure etc.

 

Du côté de l’agresseur 

Le silence fait partie intégrante de la personnalité de l’auteur : celui-ci est enfermé dans un monde de toute-puissance, de déni des différences de sexe et de génération. Le silence est indispensable, à la fois pour garder la personne victime en son pouvoir, et pour tromper son entourage.

  • Avec la victime 
    • Par la séduction, l’auteur manipule le ou les enfants et les adolescents. Il les soumet au silence par la menace, ou bien sous prétexte d’un secret ou d’un plaisir partagés. Il s’emploie à les soumettre par des manifestions d’affection.
    • Le silence lui permet de nier la gravité de l’acte et de ses répercussions sur la personne victime, en invoquant le consentement ou même la sollicitation de l’enfant.
  • Avec l’entourage 
    • La notoriété, la réputation, la séduction de l’auteur empêchent l’entourage de croire à la réalité de tels actes et donc de les dénoncer.

 

Du côté des institutions 

Le silence a souvent été un réflexe de protection. Il reflète aussi la difficulté d’appréhender ce type de situation.

  • Avec le mineur victime 
    • L’institution ne veut pas voir les signaux faibles et le statut de la parole du mineur est dénié.
    • Elle se préoccupe d’abord du mis en cause avant la personne victime.
    • Elle craint la réaction de sa famille.
    • Elle considère que le cadre des révélations relève du secret professionnel.
  • Avec le mis en cause 
    • L’institution envisage difficilement que des crimes et des délits puissent être commis par des collègues apparaissant irréprochables.
    • Elle ne sait pas comment gérer ces situations, ni quelles procédures appliquer ou quelle prévention mettre en œuvre, par ignorance ou méconnaissance.
    • Elle peut craindre que le mis en cause soit un danger pour lui-même ou pour son entourage.
  • Avec le monde extérieur 
    • La réputation et l’image de l’institution (Église, mouvement, association sportive, établissement scolaire…) ont pu sembler plus importantes que la dénonciation de faits concernant une ou plusieurs personnes.
    • Elle peut craindre le scandale médiatique
    • L’Eglise a pu craindre de troubler les fidèles.
    • Les membres d’une institution sont identifiés à celle-ci : la mettre en cause revient pour certains à se dévaloriser personnellement.