Accompagner et reconstruire

L’enfant ou l’adolescent victime 

Pour se reconstruire après un tel traumatisme, la personne mineure victime doit pouvoir exprimer sa blessure, son épreuve et les sentiments qui l’ha

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bitent, être entendue par un adulte de confiance et être accompagnée par des professionnels. Elle pourra ainsi, peu à peu, se bâtir un environnement vivable, se fier aux règles d’un cadre protecteur et se projeter dans l’avenir de façon plus sereine. Elle pourra passer « de victimes à témoins ». Pour cela, elle pourra déployer ses capacités de résilience, grâce à l’aide apportée par son environnement et les mesures mises en place.

Un accompagnement personnalisé à long terme pourra se faire ; le traumatisme n’est pas toujours proportionnel à la violence subie ou à la nature des actes subis et il n’y a pas de traitement unique, ni systématique. Plus les mesures d’accompagnement interviennent tôt, plus elles peuvent donner de bons résultats.

Il est possible de dégager quelques points d’attention. Par ailleurs, l’Eglise met à la disposition des personnes qui ont été victimes, des dispositifs de reconnaissance et de réparation fondés sur les principes de la justice restaurative.[1]

Avec la famille 

L’enfant ou l’adolescent peut ne rien exprimer, il peut révéler une seule fois ce qu’il a subi ou encore se murer dans le silence. Il peut aussi parler beaucoup à ses amis de ce qui lui est arrivé. Il peut alors se retrouver isolé ou stigmatisé. Il est utile qu’il ait repéré au préalable des lieux ou des personnes de confiance, susceptibles de l’entendre avec empathie, compétence et sérieux. Ce rôle incombe d’abords aux parents, souvent désemparés, choqués, voire culpabilisés devant la révélation, ne sachant quelle attitude adopter. Ils ont besoin d’être eux-mêmes aidés par des professionnels, ainsi que la fratrie et la famille.

Il peut être utile de les aider à trouver les ressources sur lesquelles s’appuyer et se confier pendant cette période.

Avec les professionnels du soin 

Lorsque l’agression est avérée, la personne victime a besoin de soutiens thérapeutiques, immédiatement ou plus tard. Il existe des équipes spécialisées, des victimologues et des pédopsychiatres qu’on pourra solliciter. Les soins des personnes victimes mineures de violences sexuelles sur mineurs sont pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale.

A travers l’institution judiciaire 

Dans la plupart des cas, l’enfant ou l’adolescent aura également à faire face à une procédure judiciaire. Dans la mesure de sa compréhension, il est nécessaire de l’informer des démarches et suites à venir (auditions, rythme de la procédure, possibilité des différentes issues…).

Un classement sans-suite ou un non-lieu ne signifient pas forcément que les faits ne se sont pas produits. Le manque d’éléments et/ou la prescription peuvent justifier cette décision. Pour mémoire, seule l’autorité judiciaire se prononce sur la prescription. L’anciennement des faits ne doit pas empêcher le signalement. La personne victime doit être informée du sens des différentes décisions judiciaires qui peuvent faire suite au signalement ou à sa plainte.

 

Le groupe 

Au-delà des personnes directement concernées, victimes et agresseurs, c’est tout un groupe qui a parfois vécu les événements de près ou de loin (école, classe, paroisse, mouvement de jeunes, équipe sportive…). Lorsque l’agresseur y est étranger (par exemple, c’est un membre de la famille de la personne victime), un certain devoir de réserve s’impose. L’enfant ou l’adolescent concerné a besoin avant tout d’un lieu où il pourra continuer à vivre sans être perçu uniquement comme personne victime.

En revanche, si les faits se sont déroulés au sein d’une institution, celle-ci doit prendre ses responsabilités y compris auprès de tous les autres membres du groupe. Dans le respect de la loi, il convient de diffuser rapidement les informations utiles à tous et de ne jamais chercher à étouffer l’affaire.

Pour répondre à l’insécurité que les enfants, les adolescents et leurs familles peuvent ressentir, les éducateurs ont à donner des informations adaptées à la situation et à l’âge de chacun. Restaurer le climat de confiance pourrait permettre à d’autres, qui auraient été agressés aussi, de s’exprimer.

Au-delà de l’explication des faits et des conséquences qu’ils entraînent, cela doit être l’occasion de conduire de nouvelles actions de prévention.

Il est utile de rappeler le rôle de la justice dans la société, dont la fonction est de dire le droit et de le faire respecter. Les peines prononcées ont pour but à la fois de sanctionner la personne tenue pour coupable d’actes criminels ou délictuels, de dissuader tout autre de les commettre, d’empêcher le coupable de continuer à nuire, et de lui permettre de s’amender et de se réinsérer dans la société.

Il importe aussi d’affirmer que toute personne reconnue coupable, y compris de violences sexuelles, doit bénéficier de mesures d’accompagnement et de réinsertion.

Quelques suggestions pour accompagner le groupe 

  • Définir avec les responsables de la structure la conduite à tenir vis-à-vis de tous ceux qui ont à en connaitre (les enfants ou les adolescents, leurs parents, l’extérieur…)
  • Rappeler l’obligation de confidentialité qui entoure toutes les informations concernant la situation dénoncée (l’identité des personnes mises en cause, identité des personnes victimes, identité des témoins…).
  • Réunir les adultes concernés (par exemple les responsables, les éducateurs, les parents) pour donner à chacun, dans le respect de la loi, des informations claires et objectives sur la situation dénoncée.
  • Prévoir au moment opportun, avec l’autorisation de tous les parents, une réunion du petit groupe le plus concerné (classe, équipe…) avec son responsable, et une réunion si nécessaire de l’ensemble des enfants ou des adolescents de la structure. Raconter ce qui s’est passé avec des mots adaptés à chaque âge. Rappeler les lois qui protègent les mineurs dans ces cas-là. Expliquer que les adultes sont tenus de faire appel à la justice, laquelle ouvre une enquête et prend des décisions pour assurer la protection de la personne victime. Présenter le dispositif mis en place pour que tous puissent poser leurs questions dans un cadre dédié.
  • Proposer un tiers lieu d’écoute individuelle pour ceux qui le désirent, (avec l’infirmière, l’assistant social, un psychologue…).
  • Il n’est pas judicieux de parler du mis en cause ou de l’auteur présumé.

 

L’adulte agresseur 

Pour la personne pédocriminelle, l’accompagnement s’inscrit sur une longue période, au-delà du temps judiciaire.

Une organisation psychique désordonnée pourra être prise en charge pour chercher à contenir les manifestations pathologiques pédodélinquantes.

La reconnaissance des faits 

L’agresseur, homme ou femme, doit pouvoir à son rythme prendre conscience des faits qui lui sont reprochés. Si une telle appréhension est accessible à une personnalité névrotique, elle s’avère beaucoup plus difficile, voire impossible, si l’on est en présence d’une organisation psychique de type pervers. Néanmoins, l’imputation pénale, voire l’incarcération, peut, en tant qu’application de la loi, contribuer à aider le sujet à redécouvrir le sens du réel et ainsi lui permettre de comprendre peu à peu la gravité des actes commis. Cette première étape est presque toujours la plus délicate et la plus laborieuse. Mais si l’agresseur reconnaît les faits (notons cependant qu’en parler, ce n’est pas encore les reconnaître dans leur caractère coupable), une étape décisive est effectuée.

 

Les ressources thérapeutiques 

D’autres ressources thérapeutiques sont accessibles et pertinentes. Aucune n’est véritablement infaillible en l’état actuel des connaissances, mais si l’agresseur veut désormais s’interdire fermement tout passage à l’acte, elles peuvent apporter des bénéfices non négligeables.

On pense à la psychanalyse qui suppose que la personne ait la volonté de se remettre en question en profondeur, mais aussi à la psychothérapie de groupe, ou encore aux thérapies cognitivo-comportementales.

Le recours à un traitement chimique, prescrit avec le consentement de l’intéressé, ne supprime pas les fantasmes sexuels, mais diminue la libido et donc les possibilités de passage à l’acte. Il comporte des effets secondaires.

Un avenir incertain  

L’ensemble des dispositions thérapeutiques n’est pas sans conséquences. Elles visent à apprendre au sujet reconnu coupable à contenir ses pulsions pour ne plus représenter un danger ou un risque de danger pour lui ou pour les autres. Pour ce faire, il convient de mettre à disposition un accompagnement sur le temps long, psychologique, social, fraternel et spirituel. Les CRIAVS sont des ressources utiles[2]. Il existe un numéro de téléphone pour venir en aide à toute personne attirée par des enfants : 0 806 23 10 63.

Il faut pouvoir prévenir toute situation de risque en l’éloignant de contacts avec les enfants et les adolescents et en lui assurant une activité professionnelle stable, une intégration sociale et amicale dans la durée. Cela lui permettra de formuler un projet d’avenir, source de gratifications suffisantes pour compenser le déficit narcissique.

Cela doit cependant toujours s’accompagner d’une grande vigilance et de beaucoup de prudence et d’un accompagnement durable. Pour aider à la réaffectation sociale d’un clerc condamné, la Commission Nationale Indépendante d’Expertise est à la disposition des évêques pour établir un diagnostic et des avis dispensés par des professionnels.

 

[1] « L’INIRR a pour objectif de porter le devoir de justice et de réparation à l’égard de victimes de violences sexuelles dans l’Église, quand elles étaient mineures, par des prêtres diocésains ou laïcs en mission. » https://www.inirr.fr/

« La CRR a été créée pour reconnaître et réparer les personnes victimes de violences sexuelles présumées commises par des membres d’instituts religieux. » https://www.reconnaissancereparation.org/

[2] https://www.ffcriavs.org/accueil/