Le droit canonique

Le droit canonique est le droit propre de l’Église catholique ; il s’est lentement formé, bien avant les droits étatiques modernes, pour devenir, dès le XIIIe siècle, une discipline universitaire distincte de la théologie. Avec le droit romain, il a profondément marqué le droit des États européens continentaux. Influencé, à son tour, par les techniques juridiques séculières, il a suivi au XXe siècle, le vaste mouvement de codification. Il est aujourd’hui essentiellement contenu dans le Code de droit canonique, promulgué en le 25 janvier 1983 pour l’Église latine, mais aussi dans les actes législatifs canoniques. L’importance du droit canonique est rappelée dans l’acte de promulgation du code. En effet, il est précisé que l’Eglise « est organisée comme un groupe social et visible, elle a aussi besoin de normes ; soit pour que sa structure hiérarchique et organique soit visible ; soit pour que l’exercice des fonctions que Dieu lui a confiées, en particulier celles du pouvoir de droit divin et de l’administration des sacrements, puisse être convenablement organisé ; soit pour que les relations des fidèles entre eux puissent être réglées selon une justice fondée sur la charité, les droits des individus garantis et bien définis ; soit enfin pour les initiatives communes visant à une vie chrétienne de plus en plus parfaite soient soutenues, protégées et promues par les normes canoniques ».

C’est dans cet esprit qu’il convient de lire livre 6 du code de 1983, Celui-ci contient une importante partie de droit pénal qui comporte certaines dispositions relatives à la pédophilie. Ou encore de lire les « normes pour les délits les plus graves » publiées en 2011 par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en ses articles 6 et 7 qui prévoient l’application de peines canoniques à l’encontre du clerc reconnu coupable d’une atteinte sexuelle sur un mineur de 18 ans ou sur un majeur handicapé mental. Ces mêmes normes prévoient aussi de réprimer l’acquisition, la détention et la diffusion par un clerc d’images pornographiques mettant en cause des mineurs de quatorze ans. Il est à noter que ces textes portent la prescription de ces faits à vingt ans à partir de la majorité de la victime. Et enfin qu’Ils  obligent  tout évêque ayant connaissance de ces faits à les signaler à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à Rome, qui, après examen, pourra s’en réserver la connaissance. Ils permettent également à la Congrégation de prononcer directement une peine, sans procès, ou de proposer au pape le renvoi de l’état clérical du clerc concerné.

L’importance du droit canonique comme droit propre de l’Église ne doit pas faire oublier l’enracinement des fidèles dans la société civile. C’est ainsi qu’il convient de tenir compte des lois civiles. En effet, il peut être difficile pour un évêque français de conduire une procédure pénale canonique parallèle à la procédure pénale étatique, d’autant plus que son action pourrait paraître concurrencer, voire entraver, celle du juge séculier.

Or, en cette matière particulièrement délicate que représentent les affaires de pédophilie, le Code pénal français oblige tout citoyen, lorsqu’il en a les moyens d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle de la personne (art. 223-6) ; d’informer la justice, quel que soit l’âge de la victime, de tout crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de récidiver (art. 434-1), et de tous faits ou privation, mauvais traitements ou atteintes sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable (art. 434-3). L’évêque diocésain est donc tenu lorsque les circonstances précitées dans ces articles du code pénal sont réunies, d’informer l’autorité judiciaire étatique du crime ou du délit d’abus sexuels sur mineurs perpétré par des clercs relevant de sa juridiction.

Ce recours à la justice pénale étatique n’abroge pas, pour autant, le droit pénal canonique précité.

Ces dispositions améliorent donc sensiblement la répression canonique des faits de pédophilie, tout en permettant au droit pénal canonique de s’appliquer, dans son ordre, sans concurrencer ni interférer avec les procédures pénales étatiques.

En pratique, lorsqu’un clerc fera l’objet de poursuites étatiques, l’évêque prendra d’abord des mesures provisoires pour le suspendre de ses fonctions ou limiter ses activités, et signalera aussitôt l’affaire à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Celle-ci pourra donc décider de juger elle-même l’affaire, à Rome,. Elle pourra aussi décider de la renvoyer pour jugement à l’évêque concerné (à charge d’appel devant elle). Dans tous les cas, il sera préférable de ne prendre la décision sur les éventuelles sanctions canoniques qu’une fois la procédure étatique terminée.

 

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Ce tableau met en parallèle les dispositions applicables en droit pénal droit canonique et en droit pénal étatique. Il a pour but, non seulement de rendre visibles les règles en les énonçant, mais également de montrer la cohérence entre les deux procédures qui tout en ayant le même enjeu de protection de la personne ont chacune leur place.

 

Droit pénal canonique Droit pénal civil
Crimes et délits à caractère sexuel commis sur mineurs
Parmi les « delicta graviora » ou délits les plus graves contre les mœurs sont visées ici :

  • toutes les atteintes sexuelles commises par un clerc (viol,  les atteintes sexuelles avec violence et contrainte, ainsi que les atteintes sexuelles sans violence ;
  • l’acquisition, la détention ou la divulgation d’images pédopornographiques.

Elles relèvent toutes de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Distinction entre :

  • le viol qui est un crime passible de la cour d’Assise  et
  • les autres agressions sexuelles (atteintes sexuelles sans acte de pénétration sexuelle, avec violence ou sans violence, corruption du mineur, exploitation à caractère pornographique de l’image du mineur) qui constituent des délits relevant du tribunal correctionnel.
Age de la victime Toutes atteintes sexuelles : mineur de moins de 18 ans ou majeur handicapé mental.

Exploitation à caractère pédopornographique de l’image du mineur.

Le mineur de 15 ans est présumé ne pas être consentant.

Circonstances aggravantes :

Viol, autres agressions sexuelles sur mineur  de 15 ans, …, par personne ayant autorité sur la victime ou ayant abusé de l’autorité que lui confère ses fonctions.

 

Peines Application de peines selon la gravité du crime, sans exclure le renvoi de l’état clérical. Application de peines selon la gravité du délit ou du crime comprenant la réclusion criminelle ou l’emprisonnement.

Circonstances aggravantes Viol et autres agressions sexuelles : par personne ayant autorité sur la victime ou ayant abusé de l’autorité que lui confère ses fonctions.

Prescription Point de départ du délai de prescription : 18 ans.

Délai de 20 ans, restant sous réserve du droit la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de déroger au cas par cas.

Point de départ du délai de prescription : 18 ans.

Délai de 30 ans pour les crimes ou délits à caractère sexuel sur mineurs.